L’arrêt du tabac n’est pas lié uniquement à la nicotine ou à des habitudes. Fort de mon expérience auprès des guérisseurs d’Amazonie, j’ai découvert le tabac sous un autre aspect, celui d’une plante maîtresse, c'est-à-dire une plante qui enseigne et possède une grande puissance. Au Pérou, les guérisseurs respectent le tabac, l’esprit du tabac aide à la guérison, à condition de le respecter, sinon il prend le pouvoir et domine la relation. Cette vision « chamanique » de cette relation au végétal et à l’esprit des plantes est très méconnue dans les pays occidentaux. Il est fort possible que l’addiction au tabac dans nos pays vienne en partie de ce manque de respect d’une plante aux pouvoirs puissants.
Il en est de même vis-à-vis du cannabis, utilisé dans la tradition indienne, par des maîtres qui connaissent son usage pour accéder à la connaissance via des états de conscience élargis. Utilisé en mode récréatif, le cannabis, plante puissante aussi, prend le pouvoir sur le fumeur qui peut alors « tomber sous sa coupe. »
Quand celui qui veut se défaire de l’emprise des plantes est capable de s’ouvrir à cette vision chamanique, je propose une séance d’hypnose orientée sur ce thème : entrer en relation avec l’esprit des plantes pour établir avec elles une nouvelle relation.
L'exemple de Céline*
Céline, 30 ans, fume 5 à 6 cigarettes/ jour de tabac et occasionnellement du cannabis depuis l’âge de 15 ans, soit la moitié de sa vie. Elle débarque un jour de février avec une bronchite qui persiste depuis un mois et demi. « Il faut vraiment que j’arrête de fumer, mais je ne me sens pas prête… J'ai fait beaucoup de rêves : je me voyais face à ma mère prise en flagrant délit de fumer. J'ai toujours culpabilisé par rapport à elle qui s'est occupée de mes problèmes respiratoires assez intenses depuis l'âge de trois mois. J'aime fumer, ça m'accompagne depuis si longtemps… Mon objectif est de faire une pause d'une semaine pour guérir ! » Céline n’est pas encore prête à lâcher totalement le fait de fumer, mais l’envie de tenter est tout de même présente. Nous avons déjà réalisé plusieurs séances ensemble sur d'autres sujets, elle est donc habituée à naviguer dans l'hypnose.
Une fois en état de transe hypnotique, j'invite son inconscient à la ramener à la première fois où elle a testé le cannabis.
Elle revient aussitôt à son premier « pétard » à 15 ans : « c'est dans une fête, c'est un choix libre, une curiosité, une envie de découvrir, je tousse comme une folle ! »
Je lui suggère de dire à cette jeune fille de 15 ans ce qu'aujourd’hui comme femme adulte, elle pense du tabac et du cannabis, du fait de fumer.
« Je lui explique que cela va lui coûter cher ! Écoute ton corps qui rejette ce produit, tu n'as pas besoin de ça pour être amie des autres, pour être intéressante. »
Désespérée, Céline me dit : « Elle n'entend pas ce que je lui dis ! »
Trouvez les mots pour la convaincre !
Elle insiste : « tu vaux plus que ça, tu es trop précieuse pour t’abimer ! »
Cette fois la jeune fille entend mieux… « ce qui fait le plus écho sont les paroles qui la valorisent. » Elle explique à l’inconscient de la jeune ado les nouveaux besoins et désirs de la femme adulte d’aujourd’hui.
Toujours en état d’hypnose, je l’amène ensuite à ressentir les conséquences positives du fait d'arrêter de fumer. En sortant de la séance d'hypnose, Céline m'explique qu'elle a senti dans la poitrine une peur comme si une part d'elle-même ne voulait pas lâcher.
2ᵉ séance - la rencontre avec l'esprit des plantes
Un mois plus tard, nouvelle rencontre. Céline a pris une « bonne distance » avec la cigarette et n’en fume plus qu’une à deux par jour. Elle a racheté de l’herbe en se disant que c’était la dernière fois… « Il y a en moi quelque chose de beaucoup plus stable que les autres fois où j’ai tenté d’arrêter. » Elle est en tout cas motivée à quitter le cannabis et le tabac « en me réconciliant avec eux et en trouvant une certaine paix. » Je lui explique la vision chamanique amazonienne de l’esprit des plantes et cette notion lui parle bien.
La séance d’hypnose commence. Guidée par mes paroles, elle part explorer l’origine de la « peur du manque » qui se concrétise par un stress au niveau de la poitrine. Elle visualise un petit enfant de 4-5 ans, un garçon, accroché à sa mère qu’il ne veut pas lâcher. « Il a peur de l’inconnu, il veut rester là où c’est confortable. » Je l’invite à se présenter comme une protectrice à ce petit enfant et lui parler, le rassurer et lui expliquer qu’il peut lâcher sa maman sans crainte. « Il entend, il faut que ça fasse son chemin. »
La séance se poursuit vers un espace de lumière intemporel et neutre. Là, j’invite son inconscient à ouvrir un passage qui lui permettra de rentrer en contact avec « l’esprit » des deux plantes, le tabac et le cannabis. Je compte jusqu’à trois et elle franchit le passage.
« Je suis dans une clairière au milieu d’une forêt, il y a des rochers. Au bout de la clairière se trouvent deux personnages, entre humain et végétal. Ils ont quelque chose de mystérieux, comme des personnages masqués. Ils portent des sortes de costumes de carnaval, avec des ramifications, marron pour le tabac et vert pour le cannabis.
Je vous invite à leur dire que vous souhaitez sur votre relation avec eux.
« Je ne suis pas très rassurée. On s’observe… Je m’assois sur le sol et je leur présente des excuses avec culpabilité. Je reconnais que je me suis servie d’eux d’une manière pas très honnête, consciente et compulsive. Ils m’écoutent, me regardent… ça se détend un peu. Ils acceptent les excuses, mais ne parlent pas. Ils me regardent avec bienveillance. Ils sont au soleil et ils me transmettent un peu de la lumière du soleil par leur regard. Je me sens soulagée… même si je suis impressionnée et j’ai encore un peu peur d’eux et il reste une petite tension dans la poitrine. Je me relève et je m’assieds sur une roche au même niveau qu’eux, au soleil.
Quelle sera votre relation future avec eux ?
« J’ai peur, je suis désolée. J’aimerais me détacher d’eux, avoir le choix de mettre de la distance, connaître autre chose, aller ailleurs. »
Que répondent-ils ?
« Ils acceptent… Les chemins sont là, la Terre est là, je n’ai qu’à y aller.
Vous pouvez peut-être leur faire un cadeau symbolique pour les remercier.
Céline offre au Tabac et au Cannabis un cadeau puis s’éloigne, sort de la clairière et revient à un état de conscience ordinaire.
Quelque 11 mois plus tard, Céline me fait parvenir ce message : « j’avais besoin de faire une pause, de « digérer » le travail effectué ensemble de faire le deuil de ce que je voulais quitter. Je n’étais, à ce moment-là, pas encore capable d’atteindre mon objectif d’arrêter de fumer. Aujourd’hui, je peux vous dire fièrement que c’est fait ! J’en suis heureuse, libérée et je voulais vous remercier pour le chemin parcouru ensemble. Il faut croire que j’avais besoin de le terminer seule. Je vous remercie pour votre accompagnement bienveillant, doux et créatif. »
Michel Mabit – mars 2020
* pour préserver son anonymat, le prénom a été changé.